Il faut que musique passe…

Collé au clavier, scotché au médiator, verrouillé au saxo ou pendu au violon, voilà la torture d’un enfant qui après quelques années à avoir réussi tant bien que mal à apprendre tout en essayant de se défiler au moment de l’heure quotidienne de musique en choisissant d’éplucher des patates, de dénoyauter des cerises, en s’éclipsant discrètement de l’appartement ou en voulant reprendre son jeu électronique, fini par souhaiter arrêter cette activité qu’il n’a généralement pas choisi. Moment difficile pour des parents motivés au départ mais souvent lassés de devoir lutter chaque jour pour obtenir un résultat pas toujours évident. Moment difficile pour cet enfant désireux de ne pas décevoir mais voyant ses copains filer vers des jeux qui le tentent inévitablement. Moment difficile pour ce professeur qui doit montrer la progression aux parents, tout en évitant d’altérer une motivation vacillante chez son élève et qui a finalement atteint un niveau honorable. Alors quoi, comment expliquer à ce jeune au seuil de l’adolescence qu’il a fait le plus dur et que c’est maintenant que le plaisir doit se pointer car les bases sont acquises et l’instrument enfin en mains. Cela fait quatre à six ans d’un dur travail dont les structures et les réflexes sont maintenant imprimés dans les neurones de notre musicien en herbe, et ce potentiel considérable donne souvent à cet âge des résultats tout à fait surprenants quant à la capacité d’intégration dans un groupe où il trouvera son épanouissement, la compétence qui se dessine pour une orientation peut-être musicale afin de glaner quelques notes complémentaires au futur bac voire d’une carrière semi ou totalement professionnelle, l’évolution vers de nouveaux instruments afin de montrer enfin sa propre personnalité musicale, bref un nombre appréciable d’élèves peut tirer parti de ce parcours musical et en prolonger les bénéfices dans la vie future. Alors quoi, comment expliquer à ce jeune qui entre dans l’adolescence que tout ce qu’il a appris lui servira inévitablement quel que soit la trajectoire qu’il suivra car sa structuration mentale aura été formée à la rigueur de l’écriture musicale, de la lecture solfègique, de la qualité de l’interprétation, de la maîtrise du comportement, de la gestion du stress, de l’harmonisation collective, et de toute cette alchimie qui lui donnera des outils pour mener sa propre destinée. Il en bénéficiera lors de son cours de maths pour la logique acquise, de son cours de philo pour sa capacité d’interprétation, de son cours de gym pour sa maîtrise de la respiration, de son cours de français grâce à ses compétences en déchiffrage, et dans la cour de l’école pour son comportement en groupe, et aussi dans bien d’autres situations où il associera toutes les compétences acquises pour les mettre au service de son quotidien. Alors quoi, comment lui montrer que sa future copine sera heureuse d’aller l’écouter dans un concert, que ses potes auront envie de l’inclure dans leur nouveau groupe parce que lui il sait déchiffrer une partition, que le voisin du dessus aimerait bien avoir quelqu’un pour faire travailler ses enfants entre deux cours de musique contre une petite rémunération, que le groupe de théâtre de la MJC voisine aimerait avoir un musicien pour le 3ème acte de la pièce en cours de répétition, et il y a bien d’autres activités où des musiciens sont demandés. Mais aussi, et c’est là que la situation est compliquée, ces jeunes musiciens qui ont la possibilité et la facilité d’assimiler cette connaissance musicale parce que leur cerveau est vigoureux et leur mémoire encore peu occupée ne trouveront que beaucoup plus tard, sans pour cela qu’ils deviennent obligatoirement des professionnels, le plaisir et le bonheur de pratiquer une musique loisir entre amis, en famille où dans des activités collectives conviviales, là où ceux qui n’ont pas eu cette opportunité durant leurs jeunes années éprouveront énormément plus de difficultés. Le capital acquis sur les bancs des écoles de musique à travers les cours adaptés qu’elles diffusent est définitivement enregistré. Ensuite, il ne demandera qu’un petit rafraîchissement mais procurera tellement de bonheur.
D.Pargny

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